mardi 7 avril 2015

Tropics : Un voyage électro-jazz

Songazine est parti à la rencontre de Chris Ward alias Tropics. Le jeune artiste anglais, était à Paris pour la promotion de son nouvel album Rapture. Entre deux signatures d’albums, il nous raconte son univers musical, son style, et la maison de sa grand-mère.

Into The Wild à Southsea

Tropics est un nom de scène qui pourrait s’apprêter à un groupe de musique aux voix chaudes, aux rythmes endiablés, bref  de la musique qu’on peut trouver sous les tropiques. La musique à ce multi-instrumentaliste de 27 ans est belle, minimaliste, mélancolique et calme. Il explique l’origine de ce nom : « C’était il ya six ans, le nom Tropics est venu à moi. Je pense qu’il fait référence à cette zone climatique de la Terre, où ils existent des contradictions.  Dans une journée, il peut faire chaud et en même temps pleuvoir. Ma musique est comme ça, elle est belle à l’instrumentale, mais mélancolique dans les paroles. »
La première chanson de Rapture a été écrite dès 2013. Chris Ward aime la solitude. Il s’enferme pour écrire, loin de tout, chez sa grand-mère à Southsea : « C’est chez elle que j’ai commencé à écrire mes chansons pour l’album. C’est une vieille maison magnifique. C’est un lieu pour se retrouver soi-même. Un endroit pour être en paix, au calme et pouvoir se focaliser sur son travail. J’étais vraiment tout seul. Ce n’était pas facile à faire, mais c’était une nécessité. » Il rajoute en souriant « C’est comme Into The Wild mais dans la maison de ma grand-mère. » Il déménagea ensuite pour Londres, la même année.
Quand il doit quitter son cocon, c’est pour aller au studio d’enregistrement et rejoindre ses musiciens. « J’avais besoin d’aller au studio quand il faillait développer les parties instrumentales des chansons, » précise-t-il. Il s’entoura de trois musiciens, Keith Vaz, Morgan Hislop et Gillian Maclaughlin. Il retrace leur collaboration : « Keith Vaz joue de la guitare et voire même de la basse. Il arrive à créer de superbes ambiances qui accompagnent mes textes. Morgan Hislop est mon batteur depuis plusieurs années. Il était remplacé par Gillian McLaughlin, parfois sur certaines musiques. C’est un véritable  batteur de jazz. » Pour Chris Ward, c’était une première de travailler à plusieurs sur des morceaux, « d’habitude je suis tout seul. Pour Rapture, ce fut différent. Keith Vaz m’a aidé à composer sur des morceaux de l’album… » Il prend un album en main, cherche et les énumère : « C’est sur Gloria, Hunger, Kwiat et Rapture, » Il en conclut : « L’expérience était cool et j’espère retravailler avec d’autres gens formidables. »
Rapture est la chanson éponyme de l’album, c’est à travers elle que Songazine a connu l’artiste. Il nous conte la genèse : « Je l’ai écrit bien avant que je décide d’appeler l’album Rapture. Elle est la dernière que j’ai écrite. Si tu écoute avec attention les paroles, c’est une chanson très mélancolique. Les lignes sont très sombres, au contraire de l’instrumentale qui est douce et simple, » il arrive au thème abordé de la chanson : « Elle te parle de la façon de te comporter avec les personnes qui t’entourent. Elle montre ce combat de tous les jours à faire sur soi-même, pour être en équilibre avec les gens, atteindre un bonheur. Elle est une mosaïque des expériences faites sur ma vie. »
  
Max Roach, Arthur Russel & Hiatus Kayote

Sa vie est un sujet récurrent de ces chansons comme il en témoigne : « Je m’inspire de ma vie, quand j’écris. C’est un mélange de ce qui se passe avec ma famille, mes amis. La relation que j’ai avec toutes ces personnes. Il y a aussi l’amour et le sexe. Bien sûr, pour le dernier, je ne raconte pas dans les détails, je préfère être plus discret sur ça, » s’amuse t-il.
La musique de Tropics, est un mélange audacieux de musique électronique, agrémenté de jazz et de soul. Il revient sur ses influences musicales : « C’est vrai qu’elle peut s’approprier à du jazz. J’en suis très influencé par ce style de musique. Il en existe d’autres qui m’ont influencé, comme le hip-hop, dont j’ai été bercé quand j’étais gamin. Ce que j’aime surtout dans le jazz, c’est le jeu du piano et de la batterie. » Dans sa biographie, revient les noms de Max Roach, Arthur Russel. A propos du premier : « Max Roach est un excellent batteur de jazz. J’aime son jeu. Il rivalise sans doute avec d’autres batteurs que j’aime comme Gene Krupa et Buddy Rich. » En ce qui concerne le second : « Arthur Russel, est un peu le père spirituel, il m’a beaucoup influencé. Ce n’est pas vraiment vrai dans le dernier album, on retrouve plus sa patte dans le précédent (Nautical Clamor, 2012). Je voudrais être comparé à ce qu’il fait. Il est vraiment génial. Je me reconnais littéralement dans cet artiste. »
Il n’est pas le seul à se démarquer dans ce genre de musique, il nous parle d’un autre groupe : « Mirror Signal est un nouveau groupe dans le même style. Ils utilisent le piano, les vocales, et une batterie jazz. Ce sont des musiques magnifiques. C’est ce qu’on peut appeler du modern-soul. Je peux dire que j’ai pris inspiration d’eux aussi. »
Un jour, si cela vous tente lecteurs de Songazine, de vous isoler, pour écrire et être en paix comme l’a fait Chris Ward, voici un conseil musique. Il rit à la question : « Je pense à Hiatus Kaiyote, c’est un très bon album calme et relaxant. Ça vient d’Australie. C’est super, quand on veut vraiment être seul avec soi-même, un moment. »
La France, il connaît, il est venu plusieurs fois et à écouté de nombreux French artists : « Ce n’est pas la première fois que je viens en France. Je suis déjà venu en tant que touriste en été, quand j’étais petit. Je suis venu en tant qu’artiste aussi, quelque fois, pour jouer avec des amis musiciens, » Il continue : « J’aime ce que fait Melody’s Echo Chamber. Elle a collaboré avec un groupe que j’apprécie, Tame Impala. Leur premier album est monstrueux. Les musiques sont psychédéliques et le côté sixties-seventies me plait beaucoup. »
Après un échange de connaissances de groupes de musique, Songazine dut laisser notre ami Chris Ward dans ses dédicaces. Un vinyle sous le bras, dans Barbès gris et pluvieux, le chroniqueur s’en va rêveur et apaisé de cette rencontre.  Il vous conseille d’écouter le barbu et talentueux Chet Faker et ses deux albums : Thinking In Textures (2012) et Built on Glass (2014), pour approfondir ce voyage électro-jazz.

Thomas Monot