vendredi 25 juillet 2014

Les belles voies du saigneur

(Black Strobe, album : Godforsaken Roads)

Des ignorants pourraient croire qu’un synthé ou une boîte à rythmes, c’est carré et froid. Des béotiens pourraient mépriser les machines qui font du bruit.  
Quand vous avez manié la solide et charnelle TR-808, ou caressé les boutons doux d’un Juno 106, voire usé vos yeux sur toutes ces petites diodes rouges et coquines ornant la panoplie des bestioles de chez Roland et Boss, vous avez appris-surtout la nuit- qu’il y a une âme dans les circuits imprimés. Une étincelle magique dans les puces. Une flamme secrète dans les résistances.
Arnaud Rebotini est un sorcier.
Lui sait faire danser les bips et parader les bits, dégazer les octets, tressauter les snare drums, gémir les oscillateurs et déhancher les filtres, dérater les VCF et les VCO, boursoufler les enveloppes.
Arnaud Rebotini est un initié.
Lui a été la nuit pactiser avec le Malin dans un « Crossroad » poussiéreux du Mississipi ou de l’Illinois, par une nuit sans lune. Il connaît la sueur froide des prisons et l’odeur du bayou. Son répertoire croise ceux de Muddy Waters et de Magic Slim.
Arnaud Rebotini est un surdoué.
Ses multiples projets musicaux sont tous puissants, érudits, nets et biens ciselés. Avec un look plus Elvis balèze que Kraftwerk au régime, l’homme en impose et je lis sans surprise qu’il a un cœur qui bat fort. Il produit, remixe à tout va, édite via Music Components, Zend Avesta et … Black Strobe : noir équipage avec lequel il sort un deuxième album, aka Godforsaken  Roads, que Songazine vous recommande plus que fortement ! Depeche Mode n’est pas loin, et il mérite tout autant de louanges, de gloire et de compassion.
Ici, 14 morceaux mutants, incluant des créations superbes et des reprises à vous donner le frisson, dont un Folsom Prison Blues sépulcral et imposant, qu’applaudit le fantôme de Johnny Cash lui-même, approuvé par un Monsieur Moog qui chante en chœur, quelque part au paradis.
Rebotini mélange le chaud et le froid, jongle avec ses synthés rouillés, donne de la chair ici, implante une vis à droite, enlève un os là pour créer un opus plein de vie et de force. Mue la par une Fée Electricité en délire alternatif, sa créature se lève, elle avance et elle danse.
Maudits ou ensorcelés, vous danserez aussi, frère humains qui après nous vivez. En attendant, guettez avec impatience la sortie de cet album.    


Jérôme « TB-303 » V.